Sur la débilité des primaires

La mode est aux primaires. Primaire de la droite, des écolos, de la gauche (l'autre droite donc)... tout ça pour limiter le choix. La mode nous vient des États Unis.

L'idée est qu'on s'est rapidement aperçu qu'avoir différents candidats d'un même parti divisait le nombre de voix entre tous, et ne permettait pas nécessairement d'atteindre le 2nd tour. Donc pour que le combat ait lieu, il fallait forcément un candidat de chaque camp.

Le FN n'étant ni d'un côté ni de l'autre (bien que le Les Républicains s'en rapproche sur de nombreux thèmes), il agite le démon des chaises musicales : les 2 chaises du 2nd tour pour 3 candidats ! La pression est telle qu'on doit absolument choisir le champion de chaque parti pour éjecter le FN de l'équation. Mais avec un effet pervers énorme.

Imaginons une minute un candidat libéral (très opposé à mes idées donc) qui serait « un peu modéré », considérant par exemple que la compétitivité passerait par des salariés en bonne santé, donc soignés. Il proposerait un petit revenu de base pour limiter la délinquance et booster les ventes (version libérale, mais bon, on prend ce qu'on a). Avec ce genre d'argument un peu modéré pour un candidat de la droite, il serait nécessairement éjecté à la primaire.

C'est pourtant ce candidat qui aurait le plus de chance de se faire accepter par le camp adverse. Bon gré, mal gré, on se dirait que ça évite un Fillion ou un Sarkozy, que ce serait ça de pris sur la santé ou l'autonomie, même s'il préfère prélever plus d'impôt sur les pauvres avec la TVA.

Les primaires sont une machine à mettre face à face des candidats que tout oppose. Cela rend clivant le débat, et finalement, si un candidat l'emporte, il sera nécessairement détesté par les 49% n'ayant pas voté pour lui. Il ne sera pas possible d'avoir une opinion modérée pour ces 49%. On choisit deux candidats qui rendent impossible toute concertation.

Tout cela est naturellement très théorique. Car finalement, la machine à voter sert souvent à élire les plus grandes gueules (les débats politiques ne portent jamais sur des visions politiques, mais sur des petites lois explicables en 10 secondes de télévision). Ils sont d'ailleurs capables de se parjurer en cours de mandat.

Bon, je dis ça, mais franchement, sur les 7 de la primaire, je ne vois pas lequel pourrait m'éviter une dépression s'il passait Président.

Commentaires

1. Le 10. décembre 2016, 11h50 par Gecko

Ça me fait beaucoup penser au vote utile, avec lequel les gens essayent de ne pas avoir un candidat au second tour plutôt que de voter pour qui ils aimeraient voir élu. C'est ça que tu explique?
Le mieux qui puisse nous arriver maintenant, ce serait d'élire un nul (encore), mais alors TRES TRES NUL qui fasse prendre conscience aux gens qu'il faut changer tout ce bordel (ou changer de pays)

2. Le 11. décembre 2016, 12h26 par le gauchiste

Il y a un peu de ça, sauf que le « vote utile », c'est les électeurs qui se l'imposent en se restreignant eux-mêmes. Les primaires, c'est une réduction par les partis.

Voter pour un nul, je sais que beaucoup l'ont fait, parfois même un raciste. Moi-même, j'ai cru voter pour un mou en 1012. Mais il ne faut pas négliger le pouvoir de celui que l'on élit. Son pouvoir est immense. Cette année, il a même été capable d'ignorer le pouvoir de la rue.

D'un côté, il existe probablement un président qui ferait le bon boulot. Cela a déjà existé. Je dénonce surtout le faible pouvoir démocratique du simple vote, dans la mesure où on n'a que ça, mais je réclame de la démocratie. Si demain je vote, ce sera sans concession : soit il me plaît, soit je ne vote pas.

Je pense que pas mal de monde se rend compte du problème, et je pense que tout ce qui se passe est un signe de changement : NDDL, manifs contre la loi travail, nuit debout, multiplication des lanceurs d'alerte (L214, Snowden, Luxleak...). La création de ce blog que tu lis (ainsi que de plein d'autres) est certainement un autre signe. Je ferai une revue de blogs à l'occasion.

Il est parfois désespérant d'avoir l'impression de ne rien pouvoir faire. Mais on peut faire quelque chose : en parler autour de soi, relayer des idées, des pétitions. Dire qu'on refuse, le faire avec l'amplificateur des réseaux sociaux. Ce simple dialogue fait émerger les idées dans le débat public. C'est par exemple ce qui permettra de mettre le revenu de base dans les discussions politiques cette année, alors qu'on n'en parlait à peine il y a 5 ans.

3. Le 12. décembre 2016, 8h59 par Plk

Toujours un peu le même problème: le scrutin majoritaire avec un seul gagnant, ça fait toujours beaucoup de mécontents.

La méthode de Condorcet (https://fr.wikipedia.org/wiki/Méth...) permet de faire gagner un candidat plus consensuel, ça serait déjà pas mal. Et elle permet à chaque votant de donner son avis sur plusieurs candidats (en les classant les uns par rapport aux autres), plutôt que de juste en choisir un.

On peut quand même souligner que les primaires sont "ouvertes", donc tu aurais bien pu aller voter pour le candidat libéral modéré. Mais par contre, il faut donner 2 euros à Les Républicains, ça fait cher la miette de démocratie!

4. Le 12. décembre 2016, 12h16 par le gauchiste

Ça fait surtout cher pour voter pour un candidat dont je ne veux pas. Surtout quand on sait que l'argent est le nerf de la guerre dans une élection (c'est vraiment net aux États-Unis). J'ai pas envie de les financer à quoi que ce soit.

Pour ma part, au sujet de la méthode Condorcet, j'aurais du mal à classer 16 candidats par exemple. Dois-je vraiment choisir entre Valls et Macron ? Entre Fillon et Sarko ? L'écart entre les candidat n'a rien de constant. J'aurais vite l'impression de me retrouver à un second tour et devoir choisir entre Sarko et Hollande.

Sinon, il existe le système Shultze, peut-être plus précis. Je note de faire un billet qui le résume à l'occasion, la fiche wiki est touffue.

5. Le 20. décembre 2016, 6h13 par Luxor

les 6 sont 7 non ?

et y'a du surprenant à gauche concernant le "mythe de la croissance" et d'autres trucs de gauchiste :

https://cyrille-borne.com/social/in...

http://www.lemonde.fr/election-pres...

6. Le 21. décembre 2016, 3h46 par le gauchiste

Très juste, lors de la primaire de Les républicains, ils étaient 7. Erreur corrigée dans l'article.

Ajouter un commentaire

Le code HTML est affiché comme du texte et les adresses web sont automatiquement transformées.

Fil des commentaires de ce billet