CMU en honoraire libre

J'ai récemment dû aller chez un ORL. Il se trouve que pour des histoires de paperasse administrative, j'allais avoir une rupture de ma CMU dans un mois, et je devais voir un ORL de préférence avant cette date. J'ai pris le premier que j'ai trouvé, pas trop loin de chez moi.

Il est bon de savoir qu'avec la CMU, les médecins ont obligation d'accepter les tarifs conventionnés et les patients concernés ne doivent jamais sortir d'argent (tiers payant). Il arrive en région parisienne que les médecins évitent les pauvres pour cette raison (bien que ce soit interdit).

En entrant chez lui, j'avais repéré sur la plaque « ORL expert près la cour de justice de machin ». Oulà, il doit s'y connaître le bougre...

Après une attente, un très vieil homme ouvre. Cheveux absolument blancs, dur de la feuille, il m'invite à entrer dans un bureau entouré par des piles menaçantes de classeurs. Il me pose des tas de questions, notamment sur ma profession.

– Sans emploi.
– Je ne vous demande pas votre métier, mais votre profession, monsieur. Un métier est ce que l'on exerce pour gagner sa vie, une profession, c'est ce à quoi on se destine.

Je viens juste pour des acouphènes et il me demande de lui avouer que je n'aurai jamais de « profession » ? On termine ses questions dignes d'un fichier CNIL et il me parle ensuite de son statut particulier l'amenant à pratiquer des honoraires libres. Et c'est là que je l'écoute me faire un sketch de 10 ou 15 minutes sur les frais qu'il a, que soigner des gens à la CMU ne lui rapporte rien. Il me sort plein de papiers, ouvre des classeurs avec des photocopies que je n'ai pas envie de comprendre. Il me dit que pour vivre, il serait bien que je lui donne quand même quelque chose en fin de séance. Mettons 10 euros.

Donc ce type est expert judiciaire, il va prêter serment pour décider de la culpabilité des gens et moi, il me taxe 10€ au black ? Quelle grandeur !

J'accepte car je sais que sinon, je n'aurai pas le temps de voir un autre ORL. Pendant la séance, il ose me narguer en maudissant l'ISF. La séance se termine et il me mendie les 10€. Je sors mon chéquier (naïf), et il me reprend en m'expliquant que non, pas comme ça. Je paie en liquide.

S'ensuit une autre séance où il me refait le baratin version courte en me disant que je ne suis pas obligé de payer, mais que ce serait bien. Je critique un peu son matériel, lui expliquant pourquoi le test audio ne peut marcher correctement (un « clac » dévoile la présence d'un son que je suis censé deviner, certainement les condensateurs à changer, bref).

J'attends la dernière séance pour jouer un peu avec lui. Je sais que mes 10€ sont condamnés, mais j'attends gentiment qu'il me dise longuement que j'ai le choix mais que ce serait bien etc. Je le regarde, j'attends... il recommence comme un automate, sans honte. Je ne suis pas obligé, mais je ne vois pas trop comment sortir de la pièce sans me soumettre au racket. J'abdique. Je lui lâche ses 10€ pour ne jamais plus y remettre les pieds. D'ailleurs, vu son grand âge, peut-être que lui non plus n'y met plus les pieds.

Bref, ça m'apprendra à cocher une mauvaise case sur un dossier CMU de 8 pages.
 

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