Le progrès technique : le téléphone

J'en parlais dans un billet sur l'évolution de la photo, comme exemple de progrès un peu discutable. Mais j'aimerais insister sur le fait de société, qui amène ce genre de progrès douteux dans de très nombreux secteur, si ce n'est pas tous les secteurs de la consommation.

Les progrès consentis au téléphone depuis 50 ans sont les suivants : prix très bas, nombreux services gratuits (répondeur, présentation du numéro, services croisés entre Internet et la téléphonie), grande disponibilité (par les téléphones portables), et meilleurs ergonomie (surtout sur les portables). Il me semble essentiel de faire aussi le bilan de ce que nous avons perdu. Quel est la contre partie de ces progrès ?

Tout d'abord, techniquement, la qualité a baissé. Les marchands de téléphonie vous diront le contraire, mais mon oreille gauche, celle des appels aux recruteurs, peut vraiment vous le dire : le son des téléphones est devenu horrible. Le passage des conversations au numérique est passé par des artifices d'économie de bande passante, qui sous prétexte de continuer à comprendre une conversation, réduisent toujours un peu plus le signal (suppression de certaines fréquences, blancs, compression, conversations hachées). Et lorsque l'appel se fait entre portables, c'est encore pire : on peut avoir 1 seconde de retard dans une conversation (on passe notre temps à nous couper la parole, parce qu'on se met à parler en même temps, croyant à un silence...).

Et quand le service ne fonctionne pas ? On nous propose maintenant des « hotlines » payantes, sortes d'humains transformés en robot, à distance, ne réglant que les affaires courantes, mais jamais les vrais problèmes techniques compliqués. J'ai gardé 1 an de courriers d'une SAV sourde à mes demandes qui l'attestent.

C'est d'autant plus grave que le téléphone a aujourd'hui pris une place centrale dans la vie. Quel progrès que de pouvoir se joindre tout le temps, à chaque seconde. Il est devenu normal d'interrompre ses réunions, car chaque appel devient prioritaire, parler devient urgent ! En voiture, à vélo, au feu rouge, chez des amis, au cinéma, partout...

L'autre horreur de notre temps, c'est avec la baisse des tarifs. Maintenant, il ne coûte pratiquement plus rien d'avoir une centrale d'appels à l'étranger (ou même un robot, pourtant interdit), qui vous téléphone plusieurs fois par jour dimanche compris et jusqu'à 20h pour tenter de forcer une vente ou une captation de données personnelles, voire tenter une arnaque pure et simple.

Et pour finir, quand même, parlons de la vie privée. Il est possible de stocker toutes les métadonnées de tous les appels pour les étudier ultérieurement. On est capable de tout savoir sur vous. Ces téléphones sont devenus des chevaux de Troie des sociétés privées qui peuvent savoir où nous sommes à chaque instant, qui l'on connaît, la fréquence de nos appels avec chacun, le contenu de nos SMS, le choix des applications que l'on télécharge, une idée de notre niveau de vie, en fonction du téléphone que l'on utilise aussi. Autant d'informations que je ne donnerais pas à la stasi de mon plein gré. Surtout avec la crise qui se profile.

Mais ce téléphone est si pratique... que l'on donne généreusement à Google, BlackBerry, Apple et les autres les informations les plus personnelles sur nous et notre entourage. Jean Moulin l'a échappé belle... car les États s'y mettent. Les conversations seront même certainement analysées dans un avenir très proche, de façon à y déceler des informations sans avoir besoin de mener de fastidieuses écoutes. Et en 2017, toujours aucun service de confidentialité n'est proposé par les opérateurs télécoms. Seuls quelques services gratuits permettent d'échanger des texto chiffrés.

Très franchement, vu l'utilisation que je fais du téléphone aujourd'hui, je peux dire que « je préférais avant ». Oui. Payer cher un service de qualité me manque. Aujourd'hui, si je veux payer cher, on m'offrira plein d'option, toutes merdiques, toutes inutiles. Aujourd'hui, je dois payer le téléphone de ma personne.

Commentaires

1. Le 3. janvier 2017, 8h50 par Plk

Information technique plus ou moins inutile: sur les téléphones portables, en fait, ce n'est même plus de la compression qui est utilisée pour transférer la voix. La solution retenue, qui utilise le moins de bande passante, c'est un synthétiseur vocal qui est paramétré pour reproduire la voix de celui qui parle.

2. Le 6. janvier 2017, 11h34 par thierry

Avec un peu de connaissances, on arrive à trouver des services alternatifs, plus sécurisés et respectant la vie privée, open source (souvent gratuits).

3. Le 13. janvier 2017, 5h47 par docfolamour

Tout ça est très vrai mais on a aussi perdu un truc tout con, qui était une sorte de service public pas cher: les cabines téléphoniques. Aujourd'hui, si on n'a qu'un besoin très ponctuel de téléphoner, on est obligé d'avoir un mobile avec une carte prépayée, dont la minute est bien plus chère qu'un forfait. Et ces cartes sont surtout achetées par les pauvres. Au fond, c'est une sorte de privatisation qui ne dit pas son nom, que presque personne ne dénonce, pas même à gauche.

4. Le 13. janvier 2017, 6h47 par le gauchiste

J'avais oublié ces satanées cabines. C'est effectivement leur disparition qui m'a progressivement mis à avoir un téléphone portable.

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