Chômage

La vie d'un chômeur n'est pas toujours de tout repos. Ici, vous apprendrez tout de la vie d'un chômeur. Son quotidien, l'administration, voire parfois le harcèlement administratif dont ils sont victimes pour avoir le droit de toucher pas grand chose.

 

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26. mars 2016

Tu bosses dans quoi ?

Il y a une situation pleine d'urbanité qui est un tantinet lassante pour le chômeur que je suis.

Parmi les sujets de conversation les plus pratiques pour faire connaissance, on demande à son interlocuteur son nom, où il vit et son métier...

  • Je m'appelle le gauchiste, je vis sur Internet, et je suis au chômage.
  • Han ! T'as pas de travail ?
  • Tu cherches dans quoi ? T'as quel diplôme ?
  • Je connais peut-être quelqu'un qui peut t'aider mais il ne recrute pas...
  • T'as déjà essayé de bosser dans tel domaine ?
  • Et tu sais que dans telle région ils cherchent des gens ?
  • Et tu connais telle boîte ?
  • T'as essayé de faire une formation ?

La première fois, ça passe pour une forme d'entraide compassionnelle fort généreuse. Quelqu'un qui lâche sa soirée pour se préoccuper de votre problème, c'est sympa, quand même. Et puis c'est pas comme si je lui répétais tout ce que Pôle emploi m'a demandé juste avant... ah, si, justement !

En fait, il y a une période du chômage où on se passionne pour la recherche, une autre où on s'oblige à le faire parce que la société l'exige de nous, et une dernière où ça nous emmerde seulement, mais carrément.

Aujourd'hui, la seule chose que j'attends d'un emploi, c'est le plaisir de cocher mes congés et mes RTT. Parce que quand t'es chômeur, t'as jamais l'esprit libre à 100%. Tu dois te justifier vis-à-vis de Pôle emploi, de la CAF, de la CPAM, du CCAS, des impôts parfois et il ne manquerait plus qu'on en fasse autant à une soirée pépère entre amis.

Si on compte les retraités, les jeunes, les chômeurs et précaires, les non-inscrits, les métiers dangereux, on atteint facilement 45% de personnes pour qui l'emploi est un sujet bien chiant voire gênant. Je ne parle même pas des déprimés qui gardent leur métier par habitude ou des emplois alimentaires « stables ».

Ce soir, je passerai une soirée sympa si on ne me parle pas d'emploi. Changeons juste la norme sociale.

Pas toujours facile d'expliquer à quelqu'un que les chômeurs n'aiment pas toujours parler boulot, eux non plus...

 

22. mars 2016

Chômiste et bénévole...

Chez Pôle emploi, je viens de me faire engueuler parce que j'ai dit avoir fait du bénévolat.

En général on m'y encourage à demi-mots, parce qu'on préfère un chômeur qui s'investit dans un truc et qui est moins déprimé par la suite. Le bénévolat est aussi un bon moyen de garder du lien social.

En fait, l'idée est que j'ai le droit de faire du bénévolat, sauf si cela concurrence un emploi. Car effectivement, nous vivons dans une société où l'argent est roi, et même si on aime tellement quelque chose qu'on le ferait volontiers gratuitement, il est vu d'un mauvais œil de faire une concurrence déloyale à un travail rémunéré. Pourtant, la zone euro nous a bien habitué à nous mettre en concurrence avec des Allemands ou bientôt des Ukrainiens (30 fois moins chers que nous). Mais c'est l'Europe, on ne touche pas.

Un chômeur a donc le droit d'être bénévole uniquement sous certaines conditions. Pas dans une entreprise à but lucratif (ça pourrait être du travail au noir déguisé), mais pas non plus dans une association si l'activité « pourrait » représenter un emploi (démerde-toi avec ça) ou si il y a déjà travaillé.

Tant pis si ce bénévolat me permet de garder un pied dans l'asso pour bénéficier par la suite de petits contrats. Est-ce qu'un stage de 6 mois ou un service civique est une concurrence déloyale à travail égal ?

Je suis dans une association qui fait en fonction de l'argent dont elle dispose. Elle rémunère quand elle le peut, et pour garder contact, on accepte aussi parfois des activités bénévoles. Mais selon la définition, ayant déjà été payé par cette association, il m'est complètement interdit d'y faire du bénévolat.

La limite est franchement floue, il faut l'admettre. Si je peux comprendre que cela évite certains abus (il y a des endroits où je ne fais plus de bénévolat pour cette raison), je trouve un peu fort de me prendre un savon.

C'est franchement pas pire que de faire une évaluation en milieu de travail (1) de 2 semaines gratuitement !

(1) Période limitée à 80h où un patron peu tester un chômeur gratuitement, récemment remplacée par le palindromique P.M.S.M.P. qui peut carrément durer 1 mois à temps plein. Les abus existent, si, si...

21. mars 2016

Impression de ne servir à rien ?

Aujourd'hui, c'est dimanche, je relaie juste un billet de JCFrog qui se sent inutile au boulot, utile au chômage...

Voir l'article sur son blog : C’est confirmé: je suis plus utile au chômage

JC Frog est par ailleurs militant sur les questions de liberté sur Internet (un « hacktiviste »). Voir ses célèbres et drôles parodies de chansons.

18. mars 2016

Un troupeau de 6 millions de têtes

Suite de mon précédent billet :
En quoi Pôle emploi échoue-t-elle dans sa seconde mission : « Aider les chercheurs dans leurs démarches » ?

N'ayant plus aucune ressource interne pour gérer l'énorme flux de chômeurs, elle fait appel à des agences privées ! Selon leur taille, ce sont des associations qui paient des pros de la recherche (si son seul métier est d'en avoir trouvé un, c'est déjà louche en soi). Je me souviens avoir eu ça avec un vieux type à la retraite, qui nous faisait son cador, alors qu'il n'avait jamais connu que le plein emploi du temps de son activité et s'était barré juste avant la crise de 2008.

Mais on migre de plus en plus vers des grandes structures, sortes d'usines qui s'engagent la main sur le cœur à abattre les animaux sans les faire souffrir. La preuve : on suit un cahier des charges. Ce sont des structures où on fait rentrer un chômeur à un bout, et à l'autre bout, on trouve un livreur de pizza, un CDD pas qualifié, ou directement un chômeur (du recyclage en somme)...

Ces entreprises son payées une partie si le chômeur accepte d'y aller (mais Pôle emploi nous met bien la pression pour qu'on ne refuse pas), une autre partie si on reste 2 mois, et enfin le pactole si ils placent un chômeur pour 6 mois. Le chômeur est un minerai de qualité.

Pôle emploi s'est déshumanisée avec le temps. Elle sous-traite, classe et gère des dossiers. Par exemple ? Depuis 18 mois, j'ai un même conseiller que je n'ai jamais vu et dont je ne connais même pas la voix au téléphone. Il ne m'a envoyé que des mails automatiques à peu de choses près. Ainsi, j'ai eu la chance de me faire proposer un poste de 2h par semaine à 800km de chez moi, une offre en doublon et une autre à laquelle j'avais déjà répondu. Par contre, il m'a inscrit à une de ces usines à chômeurs. Il ne connaît même pas mon projet... J'ai été mis dans une case quoi. Je suis un numéro.

Heureusement qu'on est là, nous, les pauvres, pour que ces entreprises de recyclage des chômeurs aient encore un peu d'activité...

17. mars 2016

Offre : cherche petite frappe pour argent facile

La première fonction de Pôle emploi est de centraliser les annonces, comme nous l'avons vu précédemment. Pourquoi faillit-elle dans cette fonction ?

Pôle emploi assume dans ses chiffres officiels que ses annonces ne représentent que 30% des postes pourvus (employeurs comme chômeurs semblent se plaindre de la qualité de leur site web). Le reste est ce qu'on appelle le « marché caché ». C'est comme un jeu, il faut chercher. Il faut imaginer qu'il y a plein d'annonces que les employeurs s'amusent à cacher pour qu'on ne les trouve pas. C'est plus drôle de faire courir le gibier avant de tirer.

Pôle emploi en vient même, devant ce constat d'échec, à nous apprendre à trouver ces offres cachées. Pour cela, il faut « développer son réseau ». En gros, ils nous pistonneraient bien, mais on doit se démerder pour ça aussi : on doit donc chercher nos propres pistons. La boucle est bouclée, le bouche à oreilles est revenu, les nantis ont repris leur position et les déshérités retournent dans la fange se nourrir des restes.

Il y a environ 5 ans, le nombre d'annonces sur le site était d'environ 130 000. Il est aujourd'hui de 500 000. Wow ! Ils ont trouvé une mine ? Non, je pense que c'est ailleurs que ça se passe...

D'une part, il est clair que certaines annonces arrivent en double (doublons par des cabinets de recrutement voire des clients). D'autres annonces sont fictives, dans le but de se faire mousser devant les concurrents ou avant une opération financière (c'est interdit, mais bon). C'est bien connu, pour les sociétés de service informatique, dire qu'ils recrutent leur fait de la pub pas cher. Et puis la cohorte d'annonces vraiment pourries...

Ajoutons à cela que Pôle emploi inclut dorénavant 4 catégories d'annonces non salariées : franchise, profession commerciale, profession libérale et reprise d'entreprise. Pourquoi pas « stagiaire » tant qu'on y est ?

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Imaginez 2 minutes la scène d'un toubib venant chercher des malades dans les petites annonces...

Je vous propose même une nouvelle catégorie : « emplois illicites ». On atteindrait 600 000 annonces à l'aise ! Ça ferait enfin 1 annonce pour 10 chômeurs ! L'argent de la drogue étant déjà dans le PIB de certains pays, ce ne serait plus qu'une formalité...

Je ne serais pas surpris qu'on voie bientôt apparaître l'immobilier, car un chômeur pourrait toujours se convertir en propriétaire rentier... il n'y a pas de sot métier !

Suite et fin demain.

16. mars 2016

Qualification : chômeur

Depuis que je suis né, j'ai vu la population mondiale doubler. Sur la même période, le chômage a quintuplé en France. Cela a amené un certain nombre de changements, notamment au niveau de Pôle emploi.

En 1965, l'ANPE est créée avec 2 missions :

  • Mettre en relation les employeurs et les demandeurs d'emploi en centralisant les offres,
  • Aider les chercheurs d'emploi dans leurs démarches.

Devenue « Pôle emploi » en 2008, cette administration gère aujourd'hui 6 millions d'inscrits, toutes catégories et géographie comprises.

Il est évident que Pôle emploi n'est pas responsable du chômage galopant, dont les causes sont purement structurelles (c'est la crise quoi). D'ailleurs, il n'a jamais été la fonction de Pôle emploi de faire baisser ce chômage. Ouf ! Par contre, l'État qui leur donne les sous leur demande de nous taper sur la tête pour qu'on cherche davantage, desfois qu'on trouve un poste super bien caché que personne d'autre n'aurait trouvé.

Ce qui est énervant, c'est qu'on voit bien l'énergie que met cette institution à nous former à être de meilleurs chômeurs. Mais cela ne change rien au problème. Ça signifie seulement que le niveau de « chercheur d'emploi » s'améliore. Cela veut donc dire que ceux qui ne trouvent pas sont meilleurs qu'avant aussi... mais quel est l'intérêt ? Cela ne nous rend même pas meilleurs à notre poste ! C'est juste pour nous occuper ?

Si le recruteur a en face de lui 3 personnes, elles auront beau être super formées à l'embauche, il n'y en aura toujours qu'un seul qui sera pris. Alors à quoi bon ?

Mais si le rôle de Pôle emploi n'est pas de créer des emplois, le constat est clair : Pôle emploi a failli dans ses 2 missions. Nous verrons demain pourquoi.

11. mars 2016

Chômeur, ce métier...

Aujourd'hui, être chômeur, c'est être un professionnel averti en technique de recherche d'emploi. C'est une double compétence, la première concernant le métier recherché... Il ne s'agit plus d'avoir une référence d'un type qui vous connaît, comme dans les années 60. Non : il faut pratiquer le métier de chercheur d'emploi. Et Pôle emploi passera beaucoup d'énergie à vous former à ce métier.

D'abord le CV. Évidemment ! On n'en parle même plus. Ils ne vont pas jusqu'à vous conseiller de le « pipeauter », mais si vous avouez le faire, ils feront semblant de ne pas entendre. Car aujourd'hui, tout le monde fait ça. Ce qui disqualifie au passage les plus honnêtes. Les DRH sont même souvent rompus à l'identification de ces CV. Ils les acceptent s'ils sont à peu près crédibles. C'est devenu une convention.

Ensuite la technique du courrier. Depuis qu'on a abandonné le courrier papier, les e-mails sont devenus un art. En faire ni trop, ni trop peu, histoire d'attirer, intéresser sans trop en donner, laisser le lecteur curieux. Éviter les fautes, au cas où le lecteur serait capable de les voir, bien choisir le format des pièces jointes pour ne pas être filtré, et surtout : utiliser les bons mots-clé pour ne pas être éjecté par un robot avant même d'être lu ! Cette mise en forme doit être adaptée à chaque recruteur, naturellement. Et il ne faut attendre aucune réponse car le recruteur est submergé.

Parfois, il nous faut connaître des techniques pour trouver le bon interlocuteur, et ainsi éliminer des barrières entre lui et vous. Notamment, on apprend le téléphone. Ah ! Quelle joie que le téléphone. À vous, on apprend qu'il faut téléphoner pour montrer votre intérêt pour un poste, et le recruteur apprend à son staff à filtrer les appels, parce que les chômeurs, ça va bien 2 minutes. On vous apprend à bien vous présenter, à faire l'idiot pour avoir un destinataire à mettre sur un courrier, les plus futés trouveront l'adresse e-mail de l'interlocuteur généralement formé à partir de son nom et son prénom.

Et le Graal : la maîtrise des TIC : les Technologies de l'Information et de la Communication (avant, on ajoutait même « NTIC » pour « Nouvelles »). Il s'agit de gérer son image sur la webcam pour des conférences en ligne, ne pas montrer ses fesses sur Facebook, ne pas dire trop de bêtises sur les forums où son vrai nom apparaîtrait et accessoirement, savoir faire des recherches pertinentes sur Internet, développer les réseaux sociaux et être connu de toutes les bases de données existantes.

Ajoutez pour les plus chanceux, l'art de ne pas passer pour un crétin lors de l'entretien – nécessairement stressant – avec un inconnu : celui qui pourra changer votre vie. Quelle est la connerie à ne pas dire, le trait d'humour à risquer pour sembler sympa, être souriant mais pas trop, garder le fil de la conversation et surtout éviter d'en dire trop, car si on est embauché sur ce qu'on dit, on l'est parfois aussi sur ce qu'on ne dit pas. Il est plus simple de rater un entretien en ayant trop parlé que de le réussir en en disant peu.

Il faut dire que la concurrence est rude, car on est parfois 2000 sur l'annonce. Certains filtrés par Pôle Emploi, par notre courrier, par le CV, par le coup de fil, par les diplômes, par les km, par le repassage raté de la chemise qui en a raconté un peu trop sur vous, ou tout simplement par le café froid qu'a bu votre interlocuteur avant votre arrivée.

Personnellement, j'ai choisi de ne plus mettre ma date de naissance sur le CV. Manquerait plus que l'astrologie s'en mêle !

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