Chômage

La vie d'un chômeur n'est pas toujours de tout repos. Ici, vous apprendrez tout de la vie d'un chômeur. Son quotidien, l'administration, voire parfois le harcèlement administratif dont ils sont victimes pour avoir le droit de toucher pas grand chose.

 

Fil des billets - Fil des commentaires

23. novembre 2017

Le pressoire de Pôle Emploi

Si vous avez lu mon dernier billet sur l'ECRE, vous devez comprendre le cynisme de la démarche de Pôle Emploi. On vide le marché de l'emploi par une économie mondialisée, puis on affole les chômeurs un peu, de temps en temps, pour qu'ils acceptent finalement des boulots pourris plutôt que rien du tout.

Le temps de la famine de Germinal est terminé, aujourd'hui, on agite la mauvaise conscience, la peur de la crise, les méthodes mafieuses. Oui : mafieuses. Car si le chômage est financé par les cotisations de ceux qui travaillent, alors vous avez en grande partie financé vous-même votre propre chômage. Les frais de fonctionnement et compléments sont assurés par ceux qui ne sont jamais au chômage. Et on se retrouve à être culpabilisé de toucher un chômage que chacun finance soi-même. Comprenez bien que l'on est de moins en moins dans le schéma de la répartition. Car le chômage est aujourd'hui la conséquence évidente de la plupart des emplois.

C'est un peu comme si après avoir cotisé dans une caisse de retraite toute sa vie, et enfin atteindre l'âge de ne plus travailler, on nous sommait de mourir vite parce que ça coûte de l'argent. Là, on doit quitter le régime du chômage le plus vite possible. Autant pour économiser sur les indemnités que pour réduire les chiffres chers au gouvernement en place.

Ne serait-il pas plus simple de ne plus cotiser au chômage, mais toucher cette cotisation dans le salaire et de mettre un peu d'argent de côté pour les jours difficiles ? Ça éviterait au moins qu'on nous menace de bloquer le fric si on ne cherche pas assez. Depuis la disparition de l'ANPE, de toute façon, ils détruisent le principe du chômage. Ils font pareil avec la sécu, les retraites et tous les services publics.

La mission de Pôle Emploi consiste ainsi de moins en moins à financer le chômage, et plus du tout à aider les chômeurs dans leurs recherches, sinon en sous-traitant à d'incompétentes boîtes privées cette besogne. Pôle Emploi se résume de plus en plus à un site web et des instances de flicage, contrôlant si oui ou non, vous cherchez vraiment avec votre petit CV. Accessoirement, Pôle Emploi a le rôle de compter les chômeurs, permettant au gouvernement de débloquer des sous pour changer les chômeurs de case (catégorie A vers C, formations, stages Activ'emploi...). En offrant vite fait des formations juste avant les élections par exemple.

Mais ce n'est pas en pressant les chômeurs que l'État obtiendra plus de liquidités...

2. août 2017

Que nous demande l'ECRE ?

Si vous ne connaissez pas l'ECRE (ou CRE), je vous renvoie à ce billet qui l'explique. En gros, c'est un contrôle renforcé des chômeurs.

L'ECRE part du principe que selon les articles L5411-1 et s. et L5411-6 et s. du Code du travail, les chômeurs doivent « accomplir des actes positifs et répétés pour retrouver un emploi, pour créer ou reprendre une entreprise ». Bref, on ne connaît pas la nature de ces actes, mais ils doivent être répétés (combien de fois ?) et positifs. Par contre, ce que l'ECRE suppose, c'est que chaque candidat est coupable d'infraction à ces lois. Aussi, son métier est d'opérer une traque sur la base du soupçon.

Comment cela marche-t-il ? Il leur suffit d'inverser la charge de la preuve : ce n'est plus à eux de prouver que vous ne cherchez pas de boulot, mais bien à vous de démontrer que vous en cherchez, preuves à l'appui. Par exemple, si vous ne leur envoyez pas recta un détail de toutes les candidatures (avec dates et contacts) sur les 12 derniers mois, vous risquez la radiation. DOUZE MOIS ? Même ma banque considère qu'il est trop tard pour réclamer un indu après 2 mois... et là, l'ECRE vient vous asticoter sur les 12 derniers mois ?

J'ai récemment eu à subir ce genre de contrôle. Les courriers sont rédigés de façon à faire peur. Clairement. Si vous recevez ce courrier, c'est qu'on suppose que vous truandez. Un peu comme quand un contrôleur fiscal vient vous voir. Sauf que pour ce qui est de chercher un boulot, on vous évalue sans aucun critère. Il n'existe pas une seule ligne quelque part qui précise à quoi correspondent des « actes positifs et répétés » de recherche d'emploi. Il n'existe pas de comptabilité des candidatures ratées.

D'ailleurs, Pôle emploi n'a jamais prétendu nulle part que vous deviez garder des traces de vos « actes positifs et répétés » sur 12 mois. Vous le découvrez quand l'ECRE vous tombe dessus.

Cela amène donc naturellement chaque chômeur dont l'inscription à Pôle Emploi est une nécessité à s'inquiéter. Car effectivement, l'emploi du temps d'un chômeur ne ressemblera jamais à celui proposé par Pôle Emploi. Il faut être de mauvaise foi pour le nier. Et chaque chômeur pourra toujours se demander s'il cherche assez. Le simple fait que vous n'ayez pas de boulot, c'est une preuve de plus pour l'ECRE. Même un boulot à mi-temps, c'est pas assez.

Jetez une barque à la mer avec un chômeur dedans et un tamis. Dites-lui de trouver de l'or. S'il n'en trouve pas, c'est qu'il ne cherche pas assez. Et c'est vrai, car on ne perd pas sa vie à chercher dans ces conditions. Alors vous mettez les chômeurs dans une situation impossible. Vous créez de l'angoisse. C'est nécessaire pour qu'un chômeur accepte de bosser pour 2€ de l'heure : demandez au Medef !

Et dire que le bénévolat est toujours interdit aux chômeurs...

21. juillet 2017

Qui l'ECRE espère-t-elle radier ?

L'ECRE (E pour Équipe) ou le BCRE (pour Bureau), voire SCRE (pour Service), mais plus familièrement appelé CRE par les agents de Pôle emploi est une équipe réduite et cachée ayant pour but de surveiller les chômeurs en évaluant s'ils font des actions « positives et répétées » de recherche d'emploi. La sanction est une radiation, j'avais présenté le dispositif ici.

Difficile de savoir précisément qui elle vise. Elle s'intéresse à tous les chômeurs de catégorie A ou B (donc même ceux qui arrivent à dégoter un contrat à mi-temps). L'idée est sans doute de radier les décrocheurs en difficulté, ceux qui ont de réels problèmes personnels insolubles, ceux qui n'ont rien pour eux et ont abandonné, même pas le bac pour tenir une caisse de supermarché. On radie ceux qui se découragent de n'être jamais parmi les derniers CV sélectionnés, ceux qui restent noyés dans les 100 autres CV.

On s'interrogera au passage sur les qualités requises lors du recrutement des 200 fonctionnaires dédiés à cette tâche d'inspection.

D'une part, l'arrogance d'un gouvernement qui essaie de gratter quelques centaines de milliers d'euro avec cette Stasi du pauvre (je rappelle que le questionnaire fait 8 pages, doit être accompagné d'une pile de justificatifs improbables (comme le « tableau de bord » dont personne n'a jamais entendu parler), et renvoyé à une adresse anonyme (boîte postale), de peur sans doute que les chômeurs ne s'en prennent aux agents à la légitimité douteuse. Même le numéro de téléphone nous amène sur une boîte vocale nationale où on est priés de décliner son identité pour avoir un interlocuteur. Ont-ils quelque chose à se reprocher ?

Le gouvernement est prêt à dépenser 200 salaires pour gratter quelques ridicules assedics d'économie ? Proportionnellement, il devrait alors recruter 20 000 inspecteurs fiscaux pour gratter les 80 milliards annuels de fraude fiscale. On les attend toujours... vas-y Macron, on te regarde.

Toujours les pauvres d'un côté et les riches de l'autre.
Deux poids deux mesures...

6. novembre 2016

L'ECRE

L'an dernier, notre cher gouvernement a mis en place des cellules spécialisées pour remettre d'équerre les chômeurs les plus désespérés. Ce sont des cellules où les chômeurs doivent se justifier d'être actif dans leurs recherches.

Avant, on avait un accompagnement personnalisé, mais depuis que l'ANPE est devenue Pôle emploi, qu'ils économisent, que les conseillers n'ont le temps de rien d'autre que faire de la gestion de paperasse, qu'ils ont fusionné avec les ASSEDIC, et que leur mission d'accompagnement a été privatisée par des boîtes privées parfois douteuses, Pôle emploi ne sert plus à aider, il sert juste à nous dire si on est radié de leur dispositif.

Et comme ça non plus, ils n'arrivent plus à le faire correctement, ils ont missionné des cellules anti-fraude spécialisées. Il ne s'agit pas de la fraude à des prestations indues, non. Il s'agit de traquer les chômeurs qui ne cherchent « pas assez ». On appelle ça l'ECRE : Équipe de Contrôle de la Recherche d'Emploi.

On nous le présente comme un dispositif pour motiver les chômeurs... comment pourraient-ils le faire ? Ils n'ont pas d'échanges avec eux. Pas d'interlocuteur, juste une boîte anonyme. Le seul échange est lorsque l'on apprend si on est radié. Ils ont joliment présenté l'affaire à la presse. Pour un peu, on croirait qu'ils créent des emplois...

C'est comme un contrôle fiscal, sauf qu'ils contrôlent des gens à bout de souffle, qui ne coûtent rien à la société. Il faut savoir que radier des chômeurs de cette façon ne crée pas d'emploi, ça fait seulement baisser les chiffres. C'est pire qu'un contrôle fiscal, parce qu'on est jugé sur des critères flous (on ne m'a jamais dit combien je devais envoyer de CV par jour). Ils cherchent des fraudes qui ne correspondent à aucun critère.

Cette technique douteuse baisse artificiellement le nombre de chômeurs, permettant ainsi à François de parader à l'approche des élections, alors qu'il s'était engagé à ne pas se représenter si le chômage ne baissait pas.

L'idée est certainement de pousser les chômeurs à accepter n'importe quoi dans la mesure où notre gouvernement détricote complètement le code du travail. Avec la pression, un chômeur acceptera n'importe quoi... bosser le dimanche, la nuit, sans aucun repos, avec des journées en gruyère... mais ça ne crée toujours pas un poste.

Si dans le pire des cas cette solution arrivait à radier 180 000 chômeurs (le maximum de dossier traitable en 1 an par l'ECRE), en radiant tous les chômeurs... ça ne changera rien au problème : 150 000 annonces (souvent bidon) pour 6,5 millions de chômeurs.

On appréciera quand même le cynisme.

6. juillet 2016

2 400 km aller-retour

C'était une entreprise qui était dans les nouvelles technologies. Plus précisément à la frontière entre les jeux vidéo et les téléphones mobiles.

Suite à une annonce, je contacte la boîte qui me dit chercher quelqu'un pour des graphismes. On discute longuement au téléphone, je lui montre un pressbook en ligne, et il me dit qu'il aimerait bien faire un test sur un sujet virtuel. J'accepte et j'attends le test. Après 1 semaine, le test n'arrive pas, le type est injoignable, juste le temps de me dire qu'il n'a pas eu le temps mais que c'est toujours d'actualité.

Inutile de vous dire qu'aujourd'hui, dans ma recherche d'emploi, quand j'en suis à ce stade, j'ai déjà eu 2 bonnes raison de ne pas insister. Mais à l'époque, j'étais la France qui se lève tôt, j'en voulais, tout ça. Allez hop ! Je lui fais des graphismes bidons pour un projet bidon que j'invente moi-même. Je lui fais 2 versions, j'envoie ça avec des commentaires explicatifs...

...pas de réponse...

Je rappelle et j'insiste finalement jusqu'à le joindre sur un quai de gare.
- J'ai bien reçu vos essais.
- Qu'en avez-vous pensé ?
- Intéressant, faudrait voir plus en détail... (grésillements sur la ligne presque inaudible)
- Je vous entends très mal.
- Moi je vous entends très bien (et il continue)...

Ça semblait presque de ma faute si je n'entendais rien, puisque lui entendait bien. J'appelais d'un fixe au calme, et lui était avec un portable sur un quai de gare.

J'arrive finalement à le joindre dans de bonnes conditions et prétexte avec lui que je dois passer dans le coin pour forcer un peu les choses, faire avancer le dossier comme on dit. Méthode certifiée Pôle emploi ! Je n'avais rien de sérieux prévu aussi loin de chez moi (1200km), même si j'ai profité de l'occasion pour revoir quelques vieux potes. Curieusement, on arrive à trouver une date assez facilement dans le créneau bidon que je lui avais filé.

J'arrive à trouver l'endroit avec un peu de mal, sous la pluie en plein été. J'entre, le type m'amène dans une petite salle de réunion et avant même que je pose ma veste, il me dit :

« Vous ne faites pas l'affaire, mais comme vous passiez par là... »

Ils bossent dans la téléphonie et ne sont pas capables de m'appeler pour me dire ça ?

Merde !

18. juin 2016

Et sinon, tu fais quoi dans la vie ?

Comme dans toute soirée où on ne connaît pas tout le monde, arrive la question :

– Et sinon, tu fais quoi dans la vie ?
– Rien. Et toi ?

Pour faire suite à mon précédent billet sur ce même sujet, j'adore plomber la question qu'on me pose de cette façon. J'aime laisser comprendre qu'on n'est pas obligé de « faire quelque chose » pour exister. J'aime casser l'évidence de la profession. Car la question porte bien, elle, sur le métier.

J'en tiens pour preuve que si vous répondez que vous faites des colliers, on vous demandera si ça marche bien, si vous êtes détaillant ou si vous les vendez localement... Les plus perspicaces tenteront peut-être un « ah, c'est bien... », ne voyant pas sur quoi embrayer.

Le plus drôle, c'est qu'en prenant la question de cette façon, les gens sont souvent pris au dépourvu, encombrés par leur propre question. Ils se rattrapent sur ce qu'elle aurait pu être :

– Nan mais en général, tu as des activités ?

  • J'écris une thèse sur youporn ;
  • J'anime gauchiste.fr, un super blog ;
  • Je suis désespéré et je bois beaucoup d'alcool ;
  • Je suis chercheur (en quoi ? chercheur d'emploi ! tadam...).

Je ne suis certes pas toujours aussi vache. Mais admettons que c'est parfois tentant de retourner la situation. En renversant le problème, j'aime ne plus être un chômeur, mais simplement quelqu'un qui est venu passer une soirée jeux de société, qui aime rigoler bruyamment et profiter de l'ambiance.

Après, rien n'empêche de résumer brièvement la situation après-coup, pour ne pas sembler trop louche. Et l'avantage, de cette façon, c'est que ce sera plié en 5 secondes.

Ce n'est pas pire que ceux qui répondent « je suis ingénieur ». Là, pour le coup, la réponse est aussi précise que « je suis chômeur », avec pour seule différence qu'on précise gagner de l'argent. Car en fait, on ne sait toujours pas à quoi ressemble le quotidien de la personne.

 

2. avril 2016

Recherche d'emploi : Trop bon, trop con !

La vie d'un chômeur est émaillée d'anecdotes.

Parmi mes plus vieux souvenirs, j'étais allé dans une entreprise de cartonnages dans le Nord. Je n'aimais pas cette région, mais j'étais pressé de trouver un boulot. Alors j'avais répondu à cette annonce.

Cette petite entreprise sentait bon la production locale. Il devait y avoir 10 salariés au maximum, mais ils pensaient réaliser une économie en embauchant plutôt que de sous-traiter. Démarche rare de nos jours où on fait plutôt le contraire.

C'est certainement l'employeur le plus honnête que j'aie jamais rencontré. D'une part, il m'a lui-même demandé mes billets de train en vue de mon remboursement. Cela ne m'est jamais plus arrivé depuis, bien que la loi l'exige. D'autre part, après l'entretien d'embauche, il a pris le temps de me dire pourquoi je n'étais pas pris (car je n'ai pas été pris). Cela ne m'est arrivé que 2 fois dans ma vie de chômeur.

Lors d'un entretien d'embauche, on fait toujours ce qu'on peut pour avoir l'air d'être le meilleur candidat du monde. On bombe le torse, on marche droit, l'air assuré... parce que le chômage est avant tout une histoire de concurrence, quoi qu'on en dise.

Ils semblaient pourtant assez impressionnés par mon profil. Au téléphone, ils m'expliquent pourquoi je ne suis pas pris :
« Vous êtes bon, très bon même. En fait, c'est sans doute un peu le problème : on pense que vous êtes trop bon. »

Peur que je m'ennuie ? Que je quitte la boîte trop tôt et devoir encore former un nouveau ? Que je ne sois pas assez soumis à des choix du patron ? Et après ça, tu fais quoi ? Tu sabotes un peu ton profil ? Tu prépares ton entretien en ne te lavant pas ? Tu vas en repérage la nuit pour savoir comment t'habiller à l'entretien ?

Ce recruteur m'a pourtant appris quelque chose d'important. Sauf que j'étais au tapis.

 

- page 3 de 4 -