Un monde stérile

Encore un souvenir d'enfance qui revient à la surface. J'y pense en mangeant des pastèques. Les nouvelles pastèques n'ont plus de pépins, ou presque : seulement des petits pépins mous qu'on peut avaler et qui n'auraient aucune chance de pousser.

Pas grand, je faisais les courses avec ma mère. On sortait de l'épicerie de quartier. Je lui demande si on pourrait faire pousser des oranges avec les pépins qu'on garderait. « Non », me dit-elle. Car ces pépins ne poussent pas. Je n'avais pas trop bien compris pourquoi. Apparemment, les pépins des oranges industrielles ne poussent pas. Peut-être pour éviter de perdre des clients captifs ? pour éviter de leur donner leur indépendance comme le fait Monsanto aujourd'hui, en interdisant de resemer le fruit de leur récolte à une agriculture dont c'est la pratique ancestrale ?

Mais finalement, c'est autre chose. Les arbres sont sélectionnés et greffés, de façon qu'une telle graine trop fragile ne s'en sortirait pas dans le monde d'aujourd'hui. Cela explique sans doute aussi comment on arrive à avoir des bananes sans pépins. Bah oui, les bananes ont normalement des pépins !

Même les oranges n'en ont plus. C'est bien plus agréable à manger, certes, mais cela raconte aussi quelque chose de notre monde.

Un monde où on fait pousser des plantes sous un déluge d'herbicide, où il faut 20 traitements avant que la pomme n'arrive dans mon assiette, où les fruits n'ont pas de pépin, et où les noyaux ne donnent pas. Un monde où faire pousser les végétaux demande des combinaisons de protection étanches. Un monde alimentaire stérile.

On sème des graines qui n'ont pas de descendance, on réduit le monde vivant à quelques variétés exilées, on mange des fruits qui ne peuvent plus pousser naturellement, dont certains ont même du mal à pourir, on crée des OGM dont ne veulent même pas les insectes...

Pas certain que notre choix de société soit vraiment rassurant.

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