Trois exemples sur le prélèvement à la source
Par le gauchiste le 22. septembre 2018, 8h03 - Économie - Lien permanent
Tout d'abord, un point sur la trésorerie. Quand vous devez 100€ à quelqu'un et que vous remboursez seulement 1 an après, vous avez un bonus en trésorerie de 100€ pendant 1 an. C'est de ça que vivent plein de gens. Les banques pour commencer, car tout l'argent que vous « possédez » à la banque est en fait entre les mains du banquier, qui ne vous les rend que parce qu'il est bien gentil. Mais tant qu'il ne vous les rend pas, il l'investit, il le fait tourner, gagne des intérêts, devient riche, et vous facture ses services (cherchez pas, c'est comme ça). Les hypermarchés fonctionnent aussi un peu comme ça : ils commandent des marchandises, les vendent dans la semaine, et paient 3 mois plus tard. L'argent placé leur rapporte. C'est de la trésorerie.
Avec l'impôt, on ne payait que l'année d'après, on avait donc toute la somme des impôts en trésorerie pendant 1 an. C'est pas rien... car on peut le placer, ou simplement sortir la tête de l'eau quand on a plein de trucs à payer. C'est aussi une façon d'alléger un peu l'impôt lorsque notre salaire augmente, puisqu'on paie l'année d'après des impôts pour l'année où on gagnait moins. Et avec l'impôt à la source, on vient tous de perdre 1 an de trésorerie.
Le 2ème truc, c'est quand on est jeune et qu'on commence la vie avec un premier boulot. Cette année de trésorerie est alors bien utile pour acheter un vélo, s'installer, payer la première caution de l'appartement et tous les frais du début de la vie autonome. Maintenant, le jeune paiera les impôts immédiatement, ce qui pourra dans certains cas lui souffler un mois de salaire (mais fort heureusement, il sera déjà trop précaire et pauvre pour ça). La situation est la même pour un chômeur de longue durée : lorsqu'il paiera son impôt, ce sera tout de suite, avec donc un salaire diminué d'autant, alors qu'un peu d'air au moment du retour à l'emploi aurait été bienvenu.
Notamment, ceux qui ont été licenciés l'an dernier et ne retrouveront un boulot que l'an prochain l'auront bien dans le baba, car ils auront payé leur impôt 2017 en 2018, et devront repartir en payant immédiatement l'impôt 2019 alors qu'ils sortent d'une année maigre (chômeur payant des impôts de salarié). Le contraire d'une année blanche pour ceux-là.
Le 3ème élément, sans doute moins pernicieux, mais vraiment le plus débile de tous, c'est qu'en ajoutant le patron comme intermédiaire, il suffira que l'entreprise mette la clé sous la porte pour que l'État dise Adieu aux impôts qu'elle lui devait. Et vu la santé économique du pays, c'est pas la meilleure des prises de risque sachant que 30% des entreprises déposent le bilan après 3 mois d'existence. Ce sera donc environ 60 000 faillites par an en France, et autant d'impôt qu'il faudra récupérer avec difficulté (voire souvent impossible). Surtout qu'on avait un recouvrement de 98,5% de l'impôt des ménages, on fera forcément moins bien.
Après, il faut aussi penser que les grandes entreprises, celles qui ne coulent pas auront ce petit avantage de justement, pouvoir faire un peu de trésorerie avec une partie de salaire qui ne sera pas versée au salarié, correspondant à un impôt qu'elles paieront avec un peu de retard à l'État. Ça peut faire une belle rente quand on embauche du monde...
Commentaires
Ces arguments me semblent pertinents. Quel dommage de ne lire ça que maintenant alors que c'est adopté. Ça peut tout de même faire réfléchir les gens mais que faire si ce n'est contester a posteriori.
Bonjour,
article intéressant, et je suis assez d'accord sur 2 des points (je réserve mon jugement sur le fait qu'ils contrebalancent les avantages ou pas).
Par contre l'exemple sur les chômeurs fonctionne dans l’autre sens : si tu perds ton job, tu n’auras plus à payer des impôts quand même l’année d’après (ça pique). Il y a des étalements possibles mais au global ça reviens au même, ils sont dus.
@Simounet : factuellement, on a encore jusqu'à la fin de l'année pour contester et éviter le massacre. Et je pense qu'on pourrait dire de tous mes billets du site qu'ils arrivent a posteriori, que ce soit sur la pollution, la fiscalité et autre. Mais c'est vrai que sur le coup des impôts, je ne vois vraiment pas comment faire marche arrière sans supprimer complètement l'impôt. Un peu comme avec le réchauffement climatique quoi.
@Nartagnan : pour le chômeur (si on parle bien du même exemple), c'est surtout qu'il n'aura pas la chance de bénéficier de l'année blanche de tous les autres (entreprises ou particuliers).
Bonjour,
Pour les années de transition il faudrait vérifier, il y a des étalements possibles pour limiter. S'il en a bénéficié en 2018 il n'aura pas à payer le reste en 2019.
Et un chômeur qui perd son boulot en 2018 par contre ne paiera pas d'impôts ni pour 2018 ni pour 2019.
Je ne dis pas que c'est hyper juste, c'est le soucis des transitions, mais je ne suis pas sûr qu'au global ça ait été calculé pour taxer plus.
Bonjour,
Pour les années de transition il faudrait vérifier, il y a des étalements possibles pour limiter. S'il en a bénéficié en 2018 il n'aura pas à payer le reste en 2019.
Et un chômeur qui perd son boulot en 2018 par contre ne paiera pas d'impôts ni pour 2018 ni pour 2019.
Je ne dis pas que c'est hyper juste, c'est le soucis des transitions, mais je ne suis pas sûr qu'au global ça ait été calculé pour taxer plus.
@Nartagnan : Mon exemple est celui-ci (je ne parle pas de l'étalement) :
2017 : impôt payés en 2018
2018 : pas d'impôts (dommage pour celui qui a été viré fin 2017, réembauché en 2019). C'est ce qu'on appelle l'année blanche. Celle dont ne profitera pas le chômeur qui n'a vraiment pas de bol.
2019 : impôt payé en 2019
Je ne dis pas que ça a été fait pour nous entuber (le chômeur est un cas très particulier). D'ailleurs, si l'idée avait été de nous entuber, on pourrait au moins dire « voilà un avantage de cet impôt, c'est de ramasser plus d'argent ». L'avantage n'aurait pas été pour le contribuable, mais pour les caisses publiques. Mais au moins, on aurait pu parler d'un avantage pour quelqu'un, d'un objectif.
Là, c'est même pas le cas. C'est juste débile pour tout le monde : le contribuable, le patron, le trésor public qui recouvre l'impôt...
Allez, petite concession : ça aura rapporté un peu aux éditeurs de logiciels de paye. Peut-être un peu de trésorerie aux très grosses boîtes aussi... bref, tout ça pour ça.
Et dans l'autre sens :
2017 : impôt payés en 2018
2018 : pas d'impôts
2019 : si viré, pas d'impôts de 2018.
Il y a des gagnants et des perdants, et je dis pas que c'est juste. Mais c'est le problème de toute transition.