Décroissance

Peut-on vraiment croître à l'infini ? Problème posé par la croissance et que je conteste. Ce n'est souhaitable si humainement, ni écologiquement. Moins de biens, plus de liens.

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25. décembre 2016

Endetté à la naissance

– Vous venez de naître, bonjour.
– Pardon ?
– Oui, vous êtes né. Maintenant, vous êtes en vie. Et histoire que vous sachiez où vous mettez les pieds, il est question de voir ce que vous possédez.
– Merci, c'est gentil.
– Ne vous emballez pas, en fait, il est surtout question de vos dettes.
– Mes dettes ? Mais c'est impossible, je viens juste de naître !
– Rassurez-vous, on s'est occupé de tout ça pour vous. Considérez cela comme un héritage.
– Je préfère attendre que vous épongiez les dettes avant d'hériter.
– Surtout pas. On ne va pas tout faire non plus. Chaque génération a ses problèmes. Nous, on dépense, vous, vous épongez.
– Ah ben ça fait plaisir, on se sent bien chez soi...
– Alors... justement à ce sujet, il faut que vous sachiez qu'il n'existe plus aucune surface terrestre libre ou gratuite, à part à la rigueur dans l'eau. Vous nagez bien ?
– Je ne sais pas encore, j'imagine que non...
– Vous serez donc hébergé chez vos parents le temps que quelqu'un meure ou soit plus pauvre que vous.
– Vous savez, moi, juste un peu de terre cultivable et je me débrouille !
– Et bien désolé, mais ça aussi, c'est pris. Il faudra le prendre à quelqu'un... vous auriez demandé du sable, j'aurais pu tenter quelque chose, mais là...
– Mais qu'est-ce que vous avez donc fait avant que j'arrive ?
– Nous avons doublé la population et inégalement réparti les biens. L'air, les sols et l'eau sont tous pollués, sans compter le climat que nous avons déréglé. Nombre de vos contemporains sont en guerre, mais c'est surtout à l'étranger ça, vous avez de la chance pour le moment.
– C'est donc ça les dettes dont vous me parliez à l'instant ?
– Pas tout à fait, j'y viens. Vous êtes né en France, vous devez donc à l'État... 34 700€.
– Ah oui ? Et bien je saurai pourquoi je travaille comme ça !
– Là aussi... c'est à la fois la bonne et la mauvaise nouvelle : il n'y a plus de travail. À force de produire, on n'a vraiment plus besoin de rien, et donc il n'y a pas de travail. On a automatisé tout ce qui restait à faire et de toute façon, personne n'a d'argent pour acheter, donc on produit moins. Mais pour vous occuper, vous pourrez « chercher du travail ». Ça se fait beaucoup de nos jours.
– Chercher ? Mais chercher quoi s'il n'y a pas de travail ?
– C'est là qu'il faut être créatif. Développez votre esprit de compétition et vous pourrez certainement prendre le boulot de quelqu'un d'autre.
– Ne pourrait-on pas plutôt partager le travail à faire ?
– Bien sûr que non ! C'est à chacun de « gagner sa vie » dans une saine compétition ! C'est la règle de la performance individuelle. Et dépêchez-vous, parce qu'en attendant, votre dette augmente...

21. novembre 2016

Le développement durable

Depuis les années 80, on nous tartine de mots insipides qui changent l'eau en vin. Ainsi, on ne parle plus de licenciements, mais de réduction des effectifs, voire parfois même d'amélioration de productivité lorsqu'il est question de taper sur la tête de ceux qui restent pour qu'ils travaillent comme quatre.

Des mots, il y en a plein. L'un d'eux est pernicieux, car il n'a pas de traduction directe. En fait, il est un concept. Le « développement durable ».

Quelque part, cela répond à la phrase « mais cette production ne peut pas durer comme ça éternellement ». Effectivement, si on vous dit que c'est durable, c'est que c'est fait pour durer. D'un autre côté, si cela rend éternelle la production, cela n'en résout absolument pas le problème. Car le vrai problème du « développement durable », c'est qu'il ne remet absolument pas en cause la production actuelle, basée sur le modèle de croissance impossible que l'on a inventé.

À aucun moment, le « développement durable » ne pointera du doigt le fait que produire une voiture économe en énergie, ça demande beaucoup d'énergie. On cache sous le tapis toute l'énergie fossile en montrant tous ces nouveaux services électriques, sans même avoir l'idée qu'il est impossible de produire tout ce qu'on consomme uniquement avec des éoliennes et des panneaux solaires. Surtout que même le nucléaire a ses limites.

Le mieux serait déjà de ne plus produire, ou de produire moins... là, on tient une vraie économie d'énergie.

– Ah, mais mon bon monsieur, on ne peut pas rester à ne rien faire ! Il faut bien travailler !
– Même si ça doit nous tuer tous ?

Ne vous inquiétez pas, Bayer vient de racheter Monsanto : si celui qui a tué des Juifs rachète celui qui a tué des Viets, pas besoin de nous inquiéter, la croissance est devant nous.

13. mai 2016

Nourrir l'humanité

Entre autres croissances, il y a la croissance de la population mondiale. Elle est un critère indéniable d'inquiétude, puisqu'elle pose directement la question de nourrir l'humanité.

Les projections (nécessairement floues sur une telle période) nous amènent à supposer qu'on sera entre 9 et 13 milliards d'humain à la fin du siècle, sachant que nous sommes actuellement environ 7 milliards, et nous étions la moitié voilà 40 ans.

Il existe deux moyens simples de nourrir tout le monde :
– Produire davantage de nourriture en réduisant la part de territoire attribué à l'alimentation du bétail, et donc manger moins de viande ;
– Réduire la quantité de la population par des politiques natalistes, consistant à limiter les naissances.

Entre autres observations, il faut bien voir que la démographie est stable voire déclinante dans les pays industrialisés et qu'elle progresse encore dans les autres pays. Aussi, quel que soit le pays, même « pauvre », on s'aperçoit que la natalité a tendance à se tasser. Dans les pays où l'éducation grimpe, la natalité baisse.

Parmi ce que je lis ou ce que j'entends autour de moi, je m'aperçois d'un clivage entre 2 arguments :

– Soit vous voulez défendre le droit à donner la vie en asservissant la population mondiale à une alimentation végétarienne et vous être un sale gauchiste ;
– Soit vous préférez conserver votre confort, rejeter l'idée de changer quoi que ce soit à vos habitudes de pays riche, rejeter la faute sur les pauvres qui font trop d'enfants, et vous êtes un sale néolibéral.

Faisons simple : Un libéral affame un pauvre pour manger de la viande, un gauchiste nourrit un riche aux légumes pour nourrir ce pauvre.

C'est précisément là que s'opère le cynisme. « Notre natalité est exemplaire, faites-en autant ». Sauf que ceux qui disent ça n'ont pas du tout un mode de vie exemplaire. L'ordinateur qu'ils utilisent a coûté quelques vies au Congo pour des terres rares, en Chine pour recycler des composants, la déforestation d'Amérique du sud pour nourrir et produire de la viande, et finalement toutes les guerres du Moyen Orient pour s'emparer du pétrole permettant de faire tourner tout ça.

Il est cynique de vouloir continuer cette mascarade au prix d'un contrôle des naissances dans les pays qu'on pille.

Il y aura peut-être un jour un contrôle des naissances. Mais pas avant d'avoir fait notre part d'efforts, qui consistent simplement à assumer notre responsabilité en étant exemplaires.

24. mars 2016

Comment aider la croissance ?

Pour aider la croissance, il faut augmenter le PIB. On a de nombreuses sources de croissance auxquels on ne pense pas tout de suite.

1/ Se revendre des biens entre nous.
Si vendre un bien génère de la croissance, alors le revendre à l'infini en génère encore plus. C'est la logique des sous-traitants à l'infini, tout le monde y gagne ! Et personne n'embauche. Si par exemple vous avez 7 niveaux de sous-traitance (comme dans le nucléaire), vous dégagez 7 fois du bénéfice ! Et l'intérêt, c'est qu'en cas de problème, c'est la faute de personne, mais c'est une autre histoire...

2/ Se péter la gueule dans l'escalier.
Avoir un accident génère des frais médicaux, peut dans certains cas faire travailler des mutuelles et des assureurs. Si on a cassé une voiture, il sera question de la réparer ou mieux : d'en racheter une... tout ça est très bon pour la croissance. Le cas des pandémies pourrait aussi être intéressant à condition qu'il ne tue pas trop de consommateurs. On peut aussi inventer des maladies (t'as du cholestérol toi ?).

3/ Les projets de merde
Il est clair que fabriquer un aéroport (même s'il ne sert pas) à Notre Dame des Landes générera de la croissance : tous ces gens qui travaillent de concert pour retourner la campagne et mettre une dalle de béton à la place, c'est très bon pour la croissance, surtout si ça fait vendre des avions derrière... Comme projets débiles, la liste est immense : liens sur Wikipedia, Le Monde, projet de livre...

4/ Faire un élevage de chômeurs
Les chômeurs, s'ils sont parfois de mauvais consommateurs, ont toujours la ressource de permettre de créer de l'emploi ! Pas le leur, bien sûr. Mais on a besoin de gens pour les aider à faire un beau CV en couleur et sans fautes, utiliser une webcam, faire des stages de « coaching », etc. Le chômeur est une bonne source de revenus.

5/ Métiers inutiles ou nuisibles(1)
Trader, coach pour Pôle emploi, inspecteur de la redevance audiovisuelle, agent de « télémarketing » (ou emmerdeur au téléphone), consultant en n'importe quoi, branleur de dindons, agent de sécurité en supermarché, sirène professionnelle, agence de publicité, ministre, commercial chez Monsato, DRH, conseiller en communication... tout ça est générateur de PIB !

6/ S'endetter !
De nombreuses entreprises fonctionnent aujourd'hui grâce au financement de l'État, endetté de presque 2 000 milliards d'euros (2 billions !). Déconnez pas, c'est super comme source de croissance : plus de 460 milliards dépensés en 2014 ! Faut bien qu'ils aillent quelque part, non ? Et puis sans dette, pas de création monétaire, donc pas de croissance, n'est-ce pas ?

(1) Je sens bien que je ne vais pas me faire que des potes à balancer comme ça le métier de vos rêves, mais bon, on est militant ou on ne l'est pas, hein !

5. mars 2016

La décroissance, c'est quoi ?

Le principe de la décroissance, c'est de dire qu'une croissance infinie dans un monde fini est impossible.

En effet, il y a une quantité limitée de pétrole sur Terre, qui demandera des millions d'années pour se régénérer. Utiliser ce pétrole n'est pas une solution pérenne. C'est pareil avec la production de matière et d'énergie. Considérer qu'il faut chaque année consommer plus que l'année précédente, c'est scier la branche sur laquelle on est assis plus vite qu'elle ne pousse.

Le principe de décroissance est donc lié à la parcimonie de l'utilisation. Plutôt que de toujours chercher une nouvelle source d'énergie, pourquoi ne pas simplement en consommer moins ? Mieux isoler sa maison, moins chauffer, moins de voiture, moins consommer, moins acheter, moins produire, moins gaspiller, moins détruire. « Moins de biens, plus de liens. »

Ce mouvement est parfois assimilé à un retour en arrière par ses détracteurs : « Tu vas t'éclairer à la bougie ? ». Ce sont ceux qui mangent tous les fruits de l'arbre avant que les autres n'arrivent qui ont peur de ça. Car économiser une ressource ne prend pas nécessairement beaucoup sur la qualité de vie. C'est même parfois le contraire. Notamment sur l'alimentation : la décroissance milite pour moins de pesticides (produits pétroliers) et une agriculture plus locale. Donc des produits plus sains et permettant une activité des productions de taille humaine.

Les mouvements décroissants sont tous liés à un souci de l'écologie, puisqu'ils considèrent que la nature est un patrimoine utile, éprouvé par le temps, et transmissible pour peu que l'on en abuse pas.

La décroissance est à ce titre une quintessence des idées écologiques, là où les écologistes ont parfois des idées productivistes « parce qu'il faut bien sauver l'économie ». Beaucoup d'idées de la décroissance sont suivies par des gens qui ne connaissent pourtant pas ce mot. Simplement parce que ces idées ont du sens, parce qu'elles semblent évidentes.

3. mars 2016

La croissance, c'est quoi ?

La croissance est définie par l'augmentation du PIB d'une année sur l'autre. Le PIB, c'est les échanges commerciaux, tout ce qui est une activité professionnelle déclarée (bien que l'argent de la drogue & proxénétisme commence à rentrer dedans). Pour avoir de la croissance, il faut donc nécessairement vendre, fabriquer, produire toujours plus. Mais il faut aussi consommer toujours davantage.

Cela aurait un certain sens logique si on considère l'augmentation de la population (0,7% par an en France) avec des besoins stables. Mais la machine s'affole tellement que même avec une croissance bien supérieure à ça, l'économie se retrouve dans une impasse.

L'autre évidence, c'est qu'on ne sait plus quoi consommer, on en vient à consommer n'importe quoi pourvu que ce soit un peu nouveau. Naturellement la pollution n'entre pas dans l'équation de la croissance. L'observation simple que des ressources sont déjà en grand danger devrait nous alerter : pétrole, sable de construction, air propre, poissons, eau potable, terres agricoles, forêts, biodiversité...

Il n'existe pas de modèle de croissance « propre », à ma connaissance. Car toute activité, quelle qu'elle soit, demande au minimum de l'énergie (téléphone, transports, infrastructures...). On parle beaucoup de « croissance verte », c'est peut-être mieux si c'est moins sale, certes, mais ça reste une croissance avec ses effets pervers.

La mondialisation du secteur économique a amené le problème que les ressources utilisées ne suffisent pas à tout le monde et que la pollution générée par les uns se propage chez les autres quoi qu'il arrive : radioactivité, CO2, pollens OGM... et maintenant : mouvements migratoires, sécheresses, guerres, inondations...

La croissance exclut donc de fait un paramètre essentiel : les limites de notre système. On ne peut pas pousser les murs pour agrandir la maison !

Prendriez-vous votre voiture si le pot d'échappement était relié à l'habitacle ? Au minimum, pour être logique par rapport à la planète qui ne grossit pas, il faudrait une croissance nulle de l'économie. C'est bêtement logique.

On nous sert cette croissance dans les grands médias de masse, mais sans jamais remettre en question ce principe. Un bon gauchiste se doit au minimum de le faire !

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